« Un joint à la main lors de l’accident, il est acquitté ». Il s’agit du titre d’un article paru dans le Journal de Montréal le 18 avril dernier.
Puissant comme titre, non?
L’idée n’est pas de critiquer le titre choisi par le Journal. L’équipe de rédaction d’un journal à grand tirage cherche avant tout à capter l’attention du lecteur. Maxime Bouchard, l’accusé dans cette histoire, a bel et bien été acquitté, et il avait un joint à la main au moment de l’accident. Prenons pour acquis qu’il s’agit de faits avérés.
Des faits, un acquittement, qui, peuvent déranger le lecteur quand ils sont placés dans la même phrase.
Chez plusieurs personnes, la lecture d’un tel titre suscite la question suivante :
- Comment un conducteur impliqué dans un accident mortel peut-il s’en tirer sans conséquence alors qu’il était en train de fumer un joint au volant? »
Oui, d’accord, c’est une bonne question et il est légitime de se la poser.
Avant d’essayer d’y répondre, les avocats criminalistes de BMD Avocats vous rappellent certaines règles de base en droit criminel.
Notions d’alcool et de facultés affaiblies vues par un avocat.
Le fait de conduire après avoir consommé de l’alcool n’est pas illégal en soi. C’est le fait d’avoir les facultés AFFAIBLIES par l’alcool qui est illégal.
L’affaiblissement des facultés peut se prouver de plusieurs façons. Meilleur exemple : les symptômes que les policiers ou d’autres témoins ont constatés. Yeux rouges, bouche pâteuse, conduite erratique, etc.
Les tribunaux québécois et canadiens l’ont répété plusieurs fois : pour être déclaré coupable, le degré d’affaiblissement des facultés n’a pas besoin d’être important.
Et même si votre état n’est pas réellement affaibli, vous pouvez être déclaré coupable si votre taux d’alcool dans le sang enregistré à l’ivressomètre dépasse la limite légale de 80 mg d’alcool par 100 ml de sang et communément appelé « 0.08 ».
Qu’en est-il du fait de conduire et de boire en même temps?
En 2015, il n’est pas nécessaire d’être avocat pour savoir que boire de l’alcool au volant est illégal. On fait souvent référence à l’époque où nos parents ou grands-parents conduisaient « la bière entre les jambes ».
Ce qui est moins connu, c’est le fait que la consommation d’alcool au volant est illégale, mais pas criminelle.
Constat d’infraction ou accusation criminelle ?
En d’autres mots, un conducteur qui se fait arrêter avec une bouteille d’alcool dans les mains recevra une contravention en vertu du Code de la sécurité routière. S’il est déclaré coupable, il devra payer une amende, mais il n’aura pas de casier judiciaire.
Mais si le conducteur n’a pas encore bu dans la bouteille d’alcool qu’il tient dans ses mains, ou s’il n’a pris que quelques gorgées, il peut très bien ne pas avoir les facultés affaiblies.
C’est simple, c’est la même chose avec la drogue et autres stupéfiants selon le droit criminel!
Le fait de consommer de la marijuana au volant ne rend pas la conduite illégale pour autant. Encore faut-il que la marijuana affaiblisse la capacité de conduire.
Dans le cas de Maxime Bouchard, il semble qu’au moment de l’accident, il venait tout juste d’allumer le joint en question. Prendre une seule « puff » de joint, c’est un peu comme prendre une seule gorgée de bière.
Dans bien des cas, cela ne fait aucun effet sur la capacité de conduire de quelqu’un.
Accident entraînant la mort
« Oui, mais il a provoqué un accident! »
Peut-être, mais l’accident serait manifestement survenu quand même, marijuana ou non.
La mort de la victime, aussi tragique soit-elle, n’a pas été causée par la consommation de marijuana de Maxime Bouchard. Si vous croyez tout de même qu’il mérite de faire des années de prison…vous avez le droit à votre opinion!
Mais heureusement, vous n’êtes probablement pas juge.
Bref, à la question :
« Comment un conducteur impliqué dans un accident mortel peut-il sortie du tribunal acquitté alors qu’il était en train de fumer un joint au volant? »,
En tant qu’avocat, je répondrai que :
- L’expression « sans conséquence» est tout simplement inadéquate, Maxime Bouchard a la mort d’une jeune femme sur la conscience et une accusation grave qui le hantera pendant plusieurs années.
Il a dû se défendre en investissant beaucoup de temps et d’argent.
Il a vécu dans la crainte que la couronne aille devant la Cour d’appel du Québec… ce qui implique, le cas échéant plusieurs mois de stress et de frais.
Être accusé d’une infraction criminelle, peu importe la conclusion de l’affaire, est toujours une épreuve difficile.
- Lorsqu’une tragédie survient, le premier réflexe de la société est souvent de chercher un coupable. Quelqu’un doit payer pour la mort d’autrui. C’est un réflexe humain, mais souvent irrationnel.
- Le fait de « texter» au volant n’est pas permis. Vous l’avez peut-être déjà fait quand mê Si un véhicule entre en collision avec vous alors que vous avez votre cellulaire dans les mains, et que l’accident n’a pas été causé par votre faute, est-ce vous mériteriez pour autant une sentence de plusieurs années de prison ? … juste parce que vous aviez un téléphone dans les mains au moment de l’accident?
- Le juge a décidé que Maxime Bouchard n’avait pas les capacités affaiblies par la drogue ou quoi que ce soit. Il ne peut donc pas être coupable de conduite avec les capacités affaiblies par la drogue causant la mort.
L’acquittement en conclusion du procès Bouchard
Tout est bien qui finit bien ? Pas du tout. La famille de la victime vit toujours son deuil, et elle ne comprend probablement pas pourquoi personne ne va en prison.
L’absence de condamnation peut choquer vu les conséquences tragiques de la mort, mais elle est le produit des faits de l’application du code criminel.
De mon côté, je m’interroge sur les circonstances qui ont pu faire en sorte que le père de la victime n’ait pas été informé par les autorités policières que Maxime Bouchard était accusé, qu’il a subi un procès et qu’il a été acquitté.
Selon la journaliste, c’est elle-même qui a appris la nouvelle au père.
Selon moi, voici une situation beaucoup plus inacceptable que l’acquittement de Maxime Bouchard.

Avocat Criminaliste / Associé
Me Marc-Antoine Duchaine est titulaire d’un Baccalauréat en droit (LL.B.) de l’Université de Sherbrooke. Après ses études au Barreau, Me Duchaine débute sa carrière au sein du cabinet Couture & Boulet Avocats, où il a pu développer son expertise en droit criminel et pénal. En 2015, il co-fonde le cabinet BMD Avocats œuvrant principalement en droit criminel.
Passionné de droit criminel, il sait mettre à profit ses talents de négociateur pour ses clients. Il possède également une grande expertise en lien avec les demandes de suspension de casier (pardon) et les waivers Américain.