C’est en raison du haut taux de décès liés à l’alcool au volant et à la décriminalisation du cannabis à but récréatif que le Code criminel a connu une réforme le 21 juin 2018.
La partie II du projet de loi C-46 est cependant entrée en vigueur le 18 décembre 2018 afin de laisser le temps aux provinces et aux territoires de s’adapter. La partie I concernait les facultés affaiblies par la drogue tandis que la partie II ciblait les facultés affaiblies par l’alcool.
L’objectif de ces nouvelles dispositions est sans aucun doute respectable, mais la façon de s’y prendre ne fait pas l’unanimité. L’équipe experte en droit criminel de BMD Avocats, cabinet d’avocat criminaliste à Laval, vous présente cette réforme et leurs conséquences.
La réforme du Code criminel donne des pouvoirs policiers élargis
Sous l’ancien régime, les policiers devaient avoir des soupçons raisonnables de croire qu’un individu avait de l’alcool dans son organisme avant de lui donner l’ordre de fournir un échantillon d’haleine à l’aide d’un appareil de détection approuvé. Généralement, les policiers constataient des yeux vitreux, une démarche lente ou une odeur d’alcool afin d’acquérir des soupçons raisonnables.
Aujourd’hui, les policiers se voient conférer un pouvoir plus large. Grâce à l’article 320.27(2) du Code criminel, les policiers ayant en leur possession un appareil de détection approuvé peuvent, sans avoir de soupçons, donner l’ordre à un conducteur de fournir immédiatement un échantillon d’haleine. Évidemment, l’interception de l’individu doit être faite de façon légale.
En fait, le Code de la sécurité routière prévoit qu’un agent de la paix a le pouvoir d’intercepter les automobilistes aléatoirement pour vérifier les papiers (permis de conduire, assurance et plaque d’immatriculation), l’état mécanique des véhicules, ainsi que la sobriété des conducteurs. Un policier pourrait donc intercepter un automobiliste de façon aléatoire, et lui ordonner de fournir un échantillon d’haleine sans entretenir le moindre doute quant à la présence d’alcool dans son organisme.
La possibilité d’être arrêté même après la conduite automobile
Auparavant, l’infraction pour alcool au volant se résumait à égaler ou à dépasser la limite permise d’alcool, soit 80 milligrammes d’alcool pour 100 milligrammes de sang, lorsqu’un individu se trouvait derrière un volant. Maintenant, le législateur a décidé d’étendre l’infraction à deux heures suivant la conduite [article 320.14(1)b) du Code criminel]. En d’autres mots, une personne ayant cessé de conduire depuis deux heures ou moins et ayant 80 milligrammes d’alcool ou plus par 100 milligrammes de sang pourrait se voir accusée au criminel, même si cette personne était sobre au moment où elle conduisait. L’accusé pour alcool au volant peut prendre un avocat qui devra convaincre le Tribunal de son innocence.
L’exception prévue par le législateur
Évidemment, le législateur a prévu une exception concernant l’article 320.14(1)b) du Code criminel expliqué précédemment c’est-à-dire un moyen de se défendre quant à la présente accusation. Trois conditions cumulatives doivent être remplies afin que l’exception s’applique [320.14(5) du Code criminel]. Premièrement, l’accusé doit prouver que l’alcool a été consommé après avoir pris le volant. Deuxièmement, l’accusé doit prouver qu’il n’avait aucune raison de croire qu’il allait devoir fournir un échantillon d’haleine. Troisièmement, sa consommation d’alcool doit concorder avec son alcoolémie établie en vertu de l’article 320.31(1) ou (2) du Code criminel.
Contestation de l’alcootest au poste de police
Avec les nouvelles dispositions, les résultats de l’éthylomètre se voient accorder une présomption d’exactitude en vertu de l’article 320.31(1) du Code criminel. La Couronne doit cependant faire la preuve de 3 éléments avant de bénéficier de cette présomption.
Premièrement, le technicien qualifié doit avoir fait un test à blanc de l’éthylomètre et avoir obtenu des résultats d’au plus 10 milligrammes d’alcool pour 100 millilitres de sang. Il doit aussi faire un test d’étalonnage et avoir obtenu un écart maximal de 10 % par rapport à la valeur cible de l’alcool type certifié par un analyste. Deuxièmement, l’accusé doit avoir fourni 2 échantillons d’haleine à au moins 15 minutes d’intervalle. Troisièmement, les 2 résultats obtenus doivent être arrondis à la dizaine inférieure et avoir un écart d’au plus 20 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang. Si toutes ces conditions sont réunies, les résultats de l’éthylomètre sont présumés exacts et une preuve contraire est difficile à démontrer.
Anticonstitutionnalité
Plusieurs criminalistes pensent que ces dispositions seront éventuellement contestées devant les tribunaux puisque l’article permettant à un policier d’exiger un échantillon d’haleine à l’aide d’un appareil de détection approuvé sans entretenir de soupçons à l’égard d’un état d’ébriété se rapprocherait d’une détention arbitraire. Notons également que certains s’inquiètent de la possibilité que les policiers ciblent les minorités visibles, ce qui serait contraire à notre Charte canadienne réprimant la discrimination.
Lorsque réforme et Code criminel sont synonymes de contestation
Le Barreau a aussi contesté cette réforme dans un communiqué avant l’entrée en vigueur de ces dispositions. La présomption d’exactitude prévue pour l’éthylomètre est problématique selon le Barreau puisque le droit à une défense pleine et entière prévu dans la Charte est en jeu. En effet, il devient difficile pour l’accusé de se défendre devant une telle présomption. Cet ordre professionnel est aussi inquiet du fait qu’un accusé pourrait être inculpé d’avoir pris le volant sous l’effet de l’alcool deux heures après avoir conduit alors qu’il était sobre au moment de la conduite.
La suite du débat entourant ces nouvelles dispositions sera manifestement très intéressante.
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Avocat Criminaliste / Associé
Me Marc-Antoine Duchaine est titulaire d’un Baccalauréat en droit (LL.B.) de l’Université de Sherbrooke. Après ses études au Barreau, Me Duchaine débute sa carrière au sein du cabinet Couture & Boulet Avocats, où il a pu développer son expertise en droit criminel et pénal. En 2015, il co-fonde le cabinet BMD Avocats œuvrant principalement en droit criminel.
Passionné de droit criminel, il sait mettre à profit ses talents de négociateur pour ses clients. Il possède également une grande expertise en lien avec les demandes de suspension de casier (pardon) et les waivers Américain.