Arrêt Jordan
Décision de la Cour suprême du Canada qui établit des délais maximaux pour la tenue des procès criminels.
Définition et cadre juridique
L’arrêt Jordan, rendu par la Cour suprême du Canada en 2016, est une décision phare qui a profondément modifié le système de justice pénale au Canada. Cette décision établit des délais maximaux pour la tenue des procès criminels afin de protéger le droit constitutionnel des accusés à être jugés dans un délai raisonnable, tel que garanti par l’article 11(b) de la Charte canadienne des droits et libertés. L’arrêt Jordan impose un cadre strict pour les tribunaux, visant à prévenir les retards excessifs dans les procédures judiciaires, qui peuvent porter atteinte à la justice et à la confiance du public dans le système judiciaire.
Procédure et déroulement
Avant l’arrêt Jordan, le système judiciaire canadien ne disposait pas de lignes directrices claires concernant les délais de procédure. Cette situation a conduit à des retards considérables dans le traitement des affaires criminelles, compromettant ainsi l’efficacité de la justice. En réponse à ces préoccupations, la Cour suprême du Canada a rendu l’arrêt Jordan, établissant des délais précis au-delà desquels le processus judiciaire est présumé déraisonnable.
Selon l’arrêt Jordan, les délais maximaux sont fixés à 18 mois pour les affaires criminelles jugées devant un tribunal provincial sans jury, et à 30 mois pour les affaires jugées devant une cour supérieure ou pour celles qui impliquent un jury. Si ces délais sont dépassés, le procès est présumé irrémédiablement retardé, et il incombe alors au ministère public de démontrer que des circonstances exceptionnelles justifient ce dépassement. En l’absence de justification suffisante, l’affaire peut être rejetée, et l’accusé peut être libéré.
L’application de l’arrêt Jordan a obligé les tribunaux à revoir la gestion de leurs calendriers et à adopter des pratiques plus rigoureuses pour respecter les délais prescrits. Les juges doivent maintenant veiller à ce que les parties, y compris la Couronne et la défense, respectent ces délais et qu’elles agissent de manière diligente pour faire avancer les procédures. De plus, l’arrêt Jordan a introduit l’exigence d’une meilleure planification et coordination entre les différents intervenants du système judiciaire, afin de réduire les délais inutiles et d’assurer que les affaires criminelles sont traitées dans un délai raisonnable.
Conséquences et implication
L’arrêt Jordan a eu des conséquences majeures pour le système de justice canadien. L’une des principales implications est la pression accrue sur les tribunaux pour éviter les retards excessifs. Cette décision a conduit à une augmentation des rejets de poursuites en raison de délais déraisonnables, ce qui a suscité des préoccupations quant à la sécurité publique et à la perception de la justice par le public. Les rejets d’affaires ont parfois entraîné la libération d’accusés dans des affaires graves, ce qui a alimenté le débat sur l’équilibre entre le droit des accusés à un procès rapide et les impératifs de la justice pénale.
Pour les avocats, l’arrêt Jordan a modifié la manière dont ils gèrent les dossiers criminels. Ils doivent désormais être plus proactifs dans la gestion des délais, en veillant à ce que toutes les étapes du processus judiciaire soient franchies dans les délais prescrits. Les avocats de la défense peuvent également utiliser l’arrêt Jordan pour plaider en faveur de l’annulation des poursuites en cas de retards injustifiés, offrant ainsi un moyen de défense potentiellement puissant pour leurs clients.
Du point de vue de la Couronne, l’arrêt Jordan impose une responsabilité accrue pour garantir que les enquêtes et les poursuites sont menées de manière efficace et dans les délais. Les procureurs doivent s’assurer que les preuves sont recueillies et présentées rapidement, et que les procès ne sont pas retardés par des obstacles administratifs ou des erreurs de procédure.
Enfin, l’arrêt Jordan a poussé les gouvernements provinciaux et fédéral à investir davantage dans le système judiciaire pour réduire les arriérés et améliorer la capacité des tribunaux à traiter les affaires en temps opportun. Des efforts ont été déployés pour embaucher plus de juges, moderniser les systèmes de gestion des cas et améliorer la coordination entre les différentes parties prenantes.
L’arrêt Jordan reste un tournant dans la jurisprudence canadienne, avec des implications profondes pour l’administration de la justice. Il représente une affirmation claire du droit constitutionnel à un procès rapide, tout en mettant en lumière les défis pratiques auxquels le système judiciaire est confronté pour respecter cet impératif fondamental.